Malick Sidibé fait twister la Fondation Cartier

La photographie contemporaine malienne est de nouveau à l’honneur à Paris. On se souvient de la grande rétrospective consacrée à Seydou Keïta au Grand Palais l’année dernière, qui avait été inaugurée par un concert exceptionnel de la chanteuse Inna Modja. Cette année, c’est Malick Sidibé qui est à la une. La Fondation Cartier pour l’art contemporain célèbre le talent de celui que l’on surnomme « l’œil de Bamako », dans une exposition inédite de 250 photographies.  

Devanture de la Fondation Cartier. Expo Malick Sidibé. Copyright photo : Claire Nini

Devanture de la Fondation Cartier. Expo Malick Sidibé. Copyright photo : Claire Nini

 

Autoportraits de Malick Sidibé jeune. Fondation Cartier. Copyright photo : Claire Nini

Autoportraits de Malick Sidibé jeune. Fondation Cartier. Copyright photo : Claire Nini

Malick Sidibé est né dans une famille de paysans peules dans le sud du Mali à Soloba, proche de la frontière guinéenne. Il raconte que c’est sa mère qui avait fait un rêve prémonitoire. Alors qu’il était encore un jeune garçon, elle s’était levée un matin en lui faisant part de sa vision nocturne:

« Malick tu punaiseras toute ma chambre de photographies » lui avait-elle dit.

Un vœu exaucé, car Malick Sidibé est le premier photographe africain à recevoir le Lion d’Or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière à la Biennale d’art contemporain de Venise en 2007.

Reproduction du studio photo de Malick dans l'expo à la Fondation Cartier. Copyright photo : Claire Nini

Reproduction du studio photo de Malick dans l’expo à la Fondation Cartier. Copyright photo : Claire Nini

Replongeons-nous dans le contexte historique : nous sommes dans les années soixante à Bamako, la capitale du Mali qui vient d’acquérir son indépendance. Tout le pays est en liesse, il y a un souffle de liberté ! La jeunesse bamakoise danse aux sons des musiques américaines à la mode. Bamako ne dort pas ! Le jeune Malick Sidibé est alors de toutes les surprises parties, où il est convié pour saisir cette effervescence nouvelle et immortaliser cette jeunesse éternelle dans ces clichés de fêtes aujourd’hui célèbres.

« J’étais le seul jeune reporter de Bamako à faire des photos dans les surprises parties. Les jeunes de Bamako se regroupaient en clubs. Ils empruntaient les noms à leurs idoles : les Spotnicks, les chats sauvages, les Beatles, les chaussettes noires… J’étais toujours informé directement par les jeunes par des « prieries » : prière de nous honorer de votre présence. On avait beaucoup d’occasions de s’amuser ! » Tel est le témoignage du reporter de la jeunesse inscrit directement sur les murs de l’exposition à la Fondation Cartier.

On le voit travailler dans son studio ou jouer avec ses quinze enfants dans sa maison (Malick avait quatres femmes !).

Quotidiennement, les voisins et amis d’autres quartiers de la capitale malienne viennent lui rendre visite dans son modeste studio. On feuillette alors avec nostalgie les albums de ces folles soirées bamakoises.

 » En Europe, on dit que je suis un grand photographe, mais ce sont les gens de ma génération, tous ces jeunes qui m’ont rendu célèbre. Ce sont eux qui m’ont inspiré, c’est de là que vient mon talent ! Nous avons grandi ensemble », témoigne modestement Malick.

Et en effet, près de trente ans plus tard, on retrouve dans le film documentaire les personnages charismatiques de l’époque affublés de surnoms rivalisant d’originalité : le cubain, l’américain…

A l’époque, chaque groupe avait son idole ou sa musique préférée : de la rumba à la salsa en passant par le rock’n’roll et le twist.

« Je crois, mais ça n’engage que moi, que la jeunesse de cette époque a beaucoup aimé les musiques twist, rock, afro-cubaine car elles permettaient aux garçons et aux filles de se rapprocher, de se toucher, de se coller. C’était impossible avec la musiquetraditionnelle », raconte Malick.

Un de ses amis, nuance le propos : « Il y avait une liberté mais aussi une pudeur. On amenait les filles danser après avoir demandé la permission à leur père ou à leur mari, mais ça n’allait jamais plus loin… »

L'artiste JP Mika devant la chronologie de l'expo Mali Twist à la Fondation Cartier. Copyright photo : Claire Nini

L’artiste JP Mika devant la chronologie de l’expo Mali Twist à la Fondation Cartier. Copyright photo : Claire Nini

L’exposition présente également des peintures de l’artiste JP Mika dont on avait découvert le travail à la Fondation Cartier lors de « Beauté Congo ». La composition picturale des toiles de ce jeune artiste congolais est un hommage à la tradition photographique de studio et plus précisément au photographe Malick Sidibé.

« J’aimais la photographie en mouvement. Pendant les soirées, les jeunes influencés par la musique sont excités, déchaînés, comme en transe. Quand je les regardais gesticuler avec tant de ferveur, je me disais : Danser c’est bon, dans la vie il faut s’amuser, après la mort c’est fini ! », avait pour habitude de dire Malick.

Aujourd’hui, Malick n’est malheureusement plus de ce monde, mais grâce à son oeuvre photographique la vie et la fête continueront éternellement ! De nombreux artistes de la nouvelle génération continuent d’être inspirés par ce photographe de génie.

L'artiste JP Mika pose devant ses tableaux. Copyright photo : Claire Nini

L’artiste JP Mika pose devant ses tableaux. Copyright photo : Claire Nini

Cercueil Appareil Photo. Copyright photo : Claire Nini

Cercueil Appareil Photo. Copyright photo : Claire Nini

ARTICLE REPUBLIE SUR MONDOBLOG RFI :

http://artcontemporainafricain.mondoblog.org/2017/11/02/malick-sidibe-twister-fondation-cartier/

 

 

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