Photo : Viki Forshee
Pouvez-vous vous présenter et m’exposer votre parcours professionnel ?
L’art comme une arme culturelle.

Vous êtes acheteuse pour la Fondation Sindika Dokolo. Quelle place faites vous aux femmes artistes dans vos choix ?

Le travail artistique féminin est-il forcément un travail féministe ?
Êtes-vous féministe ?
Je serais plutôt une ardente défenseur des droits de la femme quand ils sont bafoués ou qu’il y a une différence statutaire injuste.
Mais, je suis loin de revendiquer les engagements militants de mes “prédécé-soeurs”.
Et comme le disait Thomas Sankara qui pensait que la libération des femmes et la révolution allaient de pair: “ Les femmes portent l’ autre moitié du ciel “.

En 2010, à l’occasion du symposium « Curating in Africa » organisé à la Tate Modern à Londres, Bisi Silva faisait le constat suivant : « le commissariat de l’art contemporain d’Afrique reste dominé par une gent masculine résidant en Occident. Il est temps d’accepter cette réalité et de s’y confronter. » En 2016, cette affirmation est-elle toujours vraie ?
Récemment, quelques rares expositions consacrées exclusivement aux femmes artistes africaines ou de la diaspora sont la preuve d’une lente mise en lumière d’un travail contemporain féminin. Cependant Nadira Laggoune-Aklouche, dans un article du n°85 d’Africultures, pose la question de la pertinence des ces expositions monogenres consacrées exclusivement aux femmes , elle souligne le risque de ghettoïsation : « Toute exposition de femmes artistes, où qu’elle se tienne, expose son concepteur/auteur à la même question, voire la polémique entre deux points de vue : celui qui considère que cette démarche est indispensable pour mettre en lumière, donner de la visibilité aux créatrices trop souvent reléguées au second rang, et l’autre qui met en garde contre la ghettoïsation qui enfermerait encore plus les femmes dans une place à part. Qu’en pensez-vous ?
Oui. De la même façon que les expositions consacrées aux « artistes Africains” ne font finalement que marginaliser des artistes qui ne devraient pas être sélectionnés pour leur origine mais pour leur seul talent !
Comment être artiste et être noire ? Comment trouver un équilibre entre la féminité, l’africanité et le fait d’être une artiste ?
Cette double identité, déjà problématique pour les artistes femmes dans l’art contemporain africain, se complexifie lorsque l’on multiplie les identités. Comment concilier toutes ces identités plurielles : femme africaine, artiste africaine, artiste de la diaspora, féministe, artiste homosexuelle ?
Je pense que dans la vie comme dans la production artistique, le succès vient de l’affirmation, l’acceptation et l’embrassement de sa différence.

Quel regard une commissaire d’exposition femme porte t-elle selon vous sur le travail d’artistes femmes ? Quelles sont les conséquences selon vous de ce commissariat genré (une femme qui parle des femmes) ?
Le vagin comme symbole m’emmerde !
La singularité du dit féminin peut aujourd’hui sembler glorifiante parce qu’elle a les faveurs d’un phénomène de mode, mais demain, ce particularisme ne sera plus qu’un enfermement.


Quel regard ces femmes artistes posent-elles sur le monde et la création contemporaine ? En quoi ce regard féminin est-il différent ?
Pourquoi les fleurs de Georgia O’Keeffe seraient-elles érotiques et féminines, tandis que celles de Vincent Van Gogh triompheraient de la couleur propre ?
Pourquoi explorer ces regards de femmes artistes sur le monde et sur elles mêmes ?
Parce que l’art est lié à l’histoire et l’esthétique du féminin est lié au combat du mouvement féministe.
Quelles sont vos artistes préférées ?
J ai toujours aimé le travail délicat de la nigérienne Marcia Kure, les “ journaux intimes “ de Njideka Akunyili Crosby et Billie Zangewa.
Je viens d’acheter une oeuvre de Virginia Chihota dont le travail m ‘ a énormément touchée.


I couldn’t resist commenting. Exceptionally well written!