IAM Céline Seror

Rencontrée lors d’UNSEEN PHOTO FAIR (23-25 septembre 2016) à Amsterdam où elle est installée, Céline Seror,  cofondatrice et directrice d’IAM – Intense Art Magazine, s’est prêtée au jeu de l’interview.

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Céline Seror, pouvez-vous vous présenter et m’exposer votre parcours professionnel.

 J’ai un parcours qui n’est vraiment pas classique dans le milieu car j’ai d’abord été « bussiness woman globetrotter » pendant dix ans au service d’un cabinet de conseil en marketing digital. Parallèlement, j’ai toujours eu une passion pour l’art, et mes nombreux voyages professionnels m’ont permis de pouvoir visiter les musées et les galeries du monde.  Au bout de dix ans, j’ai préparé ma reconversion.  J’ai alors décidé de me dédier à ma passion qui a rapidement pris la direction de l’Afrique à travers ma rencontre avec Angèle Etoundi Essamba. Cette rencontre a vraiment marqué ma vie d’un point de vue personnel parce que j’ai découvert une personne tout à fait extraordinaire artistiquement et humainement. Elle a impacté également ma vie professionnelle car j’ai décidé avec Angèle de créer la plateforme IAM Intense Art Magazine dédiée à la création artistique africaine au féminin.  

Céline, vous êtes la rédactrice en chef d’IAM, un Magazine consacrée aux artistes femmes de l’Afrique et de la Diaspora depuis 2014. Le sous-titre d’IAM est « dédié à l’art, aux femmes, à l’Afrique ». Pouvez-vous expliquer ce choix et votre ligne éditoriale ?

Au départ, la ligne éditoriale de IAM est la continuation de l’approche artistique d’Angèle. Cette vision qu’elle a de la femme noire, avant même d’être africaine, et sa mise en avant, le choix qu’elle a fait de montrer une femme forte, consciente, déterminée et fière. Cette image qui rompt avec les stéréotypes sur la femme africaine nous a conduit de manière naturelle à vouloir étendre cette approche sur un support éditorial. Comment transformer cette approche artistique en contenu éditorial ? En rendant visibles des femmes qui sont fortes, fières, conscientes de leur féminité mais qui ont aussi des messages à porter.  Je pense que lorsqu’on est passionné d’art ce qui compte c’est de mettre en avant l’art engagé, celui qui va changer la vision du monde et les gens. Et cet art politique peut être féminin ou masculin. Nous avons fait le choix qu’il soit féminin car le travail de ces femmes est remarquable. Ces femmes là  sont des artistes, des médiatrices, elles sont créatrices de beauté, de messages. Voilà c’est ce qu’on a voulu faire et c’est ce que l’on fait tout simplement.

Le travail artistique féminin est-il forcément un travail féministe ?

Quand elles se déclarent à l’art, nombre de femmes artistes le font à travers des messages plutôt féministes et qui revendiquent tout d’abord ce qu’elles sont : des femmes.  Leurs œuvres ont alors un lien très fort aux corps, aux questions de genre, à l’identité, à la double culture, au métissage, à l’exil choisi ou forcé etc… Mais j’ai l’impression qu’au fur et à mesure que leur visibilité se développe, que leur intégration dans la sphère artistique se confirme, ces femmes peuvent aussi explorer des messages qui ne sont pas forcément liés à la féminité. Et cela m’intéresse tout particulièrement. Maintenant la question est : la jeune génération ne va-t-elle pas sauter le pas pour s’attaquer directement à des sujets moins strictement liés  à la féminité? Je suis curieuse de suivre cette nouvelle génération pour découvrir et comprendre quels sujets elles vont traiter.

Céline, êtes-vous féministe ?

Oui je suis féministe, ça c’est sûr !  Je suis féministe dans le sens où je défends l’égalité homme-femme. Un homme et une femme sont deux individus qui méritent exactement les mêmes chances, le même traitement, le même respect. Et tant que cette égalité là ne sera pas atteinte, je  militerai (pas forcément à travers IAM d’ailleurs) pour que les femmes soient reconnues comme l’égal des hommes.

En 2010, à l’occasion du symposium « Curating in Africa » organisé à la Tate Modern à Londres, Bisi Silva faisait le constat suivant : «  le commissariat de l’art contemporain d’Afrique reste dominé par une gent masculine résidant en Occident. Il est temps d’accepter cette réalité et de s’y confronter. » En 2016, cette affirmation est-elle toujours vraie ?

 Son affirmation en 2010 était tout à fait pertinente. Je pense aussi que la situation change lentement et c’est pour cela qu’IAM  tient à mettre en avant ces nouvelles voix de la scène artistique contemporaine africaine.Nouvelles voix qui sont principalement des artistes mais aussi des médiatrices et parmi elles : les curatrices. Je pense qu’elles ont encore quelques difficultés pour se voir attribuer des projets d’envergure. Il y a encore quelques réticences à s’affirmer ou à être acceptées en tant que curatrices. A l’exception de Koyo Kuoh ou Bisi Silva, il y a très peu de femmes commissaires d’expositions d’envergure internationale. Ce sont de plus petites expositions qui leur sont confiées. Il est temps de leur donner la parole car elles sont là et talentueuses. Je pense notamment à Christine Eyene, Salimata Diop, Nadine Bilong, Sonia Recasens, ou Eva Barois De Caevel …

Quel regard ces femmes artistes posent-elles sur le monde et la création contemporaine ? En quoi ce regard féminin est-il différent ?

 Chez les artistes femmes, j’ai trouvé un répondant, une force dans l’expression des émotions, des angoisses, des rêves, des valeurs proprement féminines. Beaucoup des artistes que j’ai rencontrées ont cette force intérieure. Toutes parlent très bien de la condition d’être une femme. Certaines transcendent aussi le fait même d’être africaines et offrent un message universel.

 Quelles sont vos artistes d’Afrique et de la Diaspora  préférées ?

 La camerounaise Justine Gaga est pour moi la définition même de l’artiste qui a renoncé à tout pour son message, les marocaines : Yto Barrada et Safaa Erruas, en Afrique du Sud : Jane Alexander. Je trouve le travail d’Ingrid Mwangi (Kenya/Allemagne) fort et fascinant, et puis il faut rajouter Kapwani Kiwanga (Canada) qui est extraordinaire…

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copyright photo : Delphine Diallo

http://www.iam-africa.com/

 

 

 

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